Le triste sort du Noncesse

Groupe "Territoires"

APCVEB: Groupe "Territoires"

Article | 10 octobre 2020, par Renaud LAURETTE

Parmi les milieux de Balma, les abords du Noncesse sont sans doute un de ceux qui offre le plus de diversité : ce cours d’eau traverse des bois, longe des prairies, et ses berges abritent une importante variété de végétaux, d’insectes, d’oiseaux et de mammifères.

En traversant le quartier de Lasbordes, le Noncesse subit le sort de beaucoup de cours d’eau en milieu urbain : ses berges sont réduites, son lit canalisé. La conception urbaine à l’origine de ces aménagements est celle d’une domination de la nature par l’homme : on déplace ou on cantonne ce qui gêne la croissance de la ville. La manifestation extrême de cette conception est l’enfouissement pur et simple des cours d’eau, comme c’est le cas du Noncesse sur la dernière partie de son lit.

Qui se souvient que ce ruisseau coulait à l’air libre là où se trouve aujourd’hui le village d’entreprises ou le Courtepaille ? Sur ce tronçon, le Noncesse n’est plus qu’un égout dans une buse bétonnée.

Une conception dépassée de l’urbanisation

Outre la stérilisation des milieux qu’un tel aménagement engendre, ce busage a le mauvais goût de limiter le débit de l’eau les jours de forte pluie. Ce fut le cas en 2009, ce qui entraina une inondation dans le quartier.

Quelles leçons a-t-on tirées de cet événement ? A-t-on envisagé de remettre le cours d’eau à l’air libre ? à abaisser ses berges par endroit pour permettre un débordement dans des bassins naturels et réduire ainsi le débit de l’eau ? à disposer arbres et végétaux dans un lit élargi pour ralentir l’écoulement tout au long du parcours ? à dés-imperméabiliser les sols environnants pour limiter le ruissellement ?

Divers projets ont été successivement proposés pour éviter de nouvelles inondations. Celui qui a été retenu prévoit, dans le bois en amont de Lasbordes, un élargissement du lit en quelques endroit et la mise en place d’obstacles naturels. Malheureusement, les aménagements en secteur urbain sont d’une toute autre nature.

Au lieu de restaurer un lit naturel élargi, on poursuit l’artificialisation à grands renforts de béton et de pierres. On arrache au passage de nombreux arbres qui apportaient ombre et fraicheur, et accueillaient insectes et oiseaux.

Si, à la traversée le Lasbordes, le Noncesse gardait jusqu’ici un semblant de milieu naturel, les nouveaux aménagements en font un canal bétonné à ciel ouvert, perdant toute vie, à l’image du Riou Gras, qui ressemble parfois plus à un égout qu’à une rivière.

Le Noncesse à Lasbordes en 2016
Le cours d’eau, rectiligne dans la traversée de Lasbordes, présentait tout de même un aspect végétalisé sur ses rives.
Le Noncesse à Lasbordes en mars 2020
Avant les travaux, des arbres se trouvaient de part et d’autre des berges, procurant localement ombre et fraicheur.
Le Noncesse en septembre 2020
Le fond et une des rives se retrouvent bétonnés et les arbres ont disparu. Le tuyau noir au premier plan est l’arrivée du ruisseau des Arnis.
Le Noncesse en septembre 2020
A l’approche de l’avenue St Martin de Boville, là ou l’enfouissement commence, le lit est désormais canalisé dans un passage étroit entre deux bardages de pierres.

Persévérer dans l’erreur ...

A une époque où aucun doute ne subsiste quant à l’impact de l’activité humaine sur la perte de biodiversité et sur le réchauffement climatique, de tels aménagements sont irresponsables et anachroniques. Au lieu d’apprendre de nos erreurs, nous persévérons. Pour ne pas remettre en cause de mauvais aménagements urbains qui pensaient dominer et canaliser la nature, nous cherchons seulement et vainement à en minimiser les conséquences ...

... ou faire preuve de vision ?

Une attitude responsable aurait consisté à prévoir la suppression des buses, la restauration d’un cours à l’air libre, la préservation d’un espace naturel le long des berges. Autrement dit, constituer ou restaurer une vraie trame naturelle au sein de la ville, articulée autour de ses cours d’eau.

Certes une telle politique aurait des conséquences sur le bâti existant. Mais ne vaut-il pas mieux consentir à redessiner progressivement la ville que de se résoudre à subir de nouvelles inondations, une perte accrue de la biodiversité et la multiplication des ilots de chaleur ?

Il y a plus de dix ans aujourd’hui que le quartier a subi des inondations. En dix ans, l’approche urbanistique n’a toujours pas évolué. Quand on veut parler de "ville nature", c’est de ces sujets là qu’il faut se préoccuper.

Et maintenant ?

La première phase des travaux vient de se terminer. Nous ne pouvons plus à ce stade que constater les dégâts. Pour l’avenir, aux yeux de l’APCVEB, l’enjeu est double :

  • à court terme, sur ce projet précis (puisqu’il est lancé ...), s’assurer que la Mairie s’implique réellement dans la négociation avec Toulouse Métropole (le maitre d’œuvre) pour contraindre les clauses des cahiers des charges soumis aux intervenants quant au respect de la faune et de la flore existante, et pour les faire observer dans la pratique. En effet, à la première phase de travaux dans le quartier de Lasbordes va bientôt succéder une seconde phase dans les bois en amont du quartier.
  • A moyen terme, militer pour que la vision de l’aménagement du territoire change significativement afin de composer avec la nature plutôt que de continuer à construire sans la respecter au delà du respect minimaliste des textes règlementaires.

Documents

Enquête publique Noncesse - avis de l’APCVEB
PDF - 94.2 ko
Aménagements du Noncesse - sites et nature des travaux
PDF - 677.2 ko

Sujets associés

Biodiversité
Nature en ville
Urbanisme
Lasbordes

A noter

Calendrier des événements

  • avril 2009 : inondation due à une crue du Noncesse
  • 2011 : étude géotechnique en 2011 et étude d’impact environnemental
  • Juillet 2013 : premier projet comprenant un barrage sur le Noncesse dans le bois en amont de Lasbordes. L’APCVEB contacte la mairie en charge du projet pour éviter cette construction.
  • avant et après 2014 : Nous insistons régulièrement auprès des adjoints successifs à l’urbanisme sur l’importance de préserver et même restaurer les trames environnementales autour des cours d’eau, au travers d’une vision à moyen terme transcrite sur les documents d’urbanisme.
  • Janvier 2015 : second projet sans barrage mais avec divers aménagements du lit dans la traversée de Lasbordes et en amont. Le projet donne les zones et le type d’aménagement dans les grands principes mais pas de détail de réalisation. Le projet est désormais sous la responsabilité de Toulouse Métropole.
  • Mai 2016 : étude du cabinet Naldeo pour la réalisation d’un bassin de rétention d’eau de pluie sur la commune de Balma. Cette étude sera publiée à l’occasion de l’enquête publique.
  • Janvier à Mars 2017 : enquête publique sur le projet de 2015 enrichi des études 2016
  • Mars 2017 : Avis de l’APCVEB dans le cadre l’enquête - Nous attirons l’attention du Commissaire enquêteur sur la préservation nécessaire du milieu, le cahier des charges des l’intervenants ne devant être réalisé qu’après l’enquête publique. Aucun élément concret concernant les exigences de préservation de la faune et de la flore n’était donc disponibles au moment de l’enquête.
  • Début 2020 : début des travaux
  • Mars 2020 : L’APCVEB s’inquiète de voir démarrer les travaux sans avoir eu connaissance du cahier des charges. Nous demandons ce cahier des charges de l’intervention à Toulouse Métropole et à la Mairie de Balma - aucune réponse.
  • Juin 2020 : nous constatons l’abattage des arbres et intervenons auprès de l’adjoint à l’environnement.